07 février 2014

Une histoire incroyable, l'origine de la colonisation du Brésil

Français au Brésil, un moment d'histoire peu connu:  l'acte de guerre d'un vaisseau de Marseille à l'origine de la colonisation du littoral du Brésil.

Á l'été 1532 une flotte de 10 caravelles et autres vaisseaux battant pavillon portugais, fait route de Lisbonne vers Rome pour y conduire le nouvel ambassadeur de la couronne portugaise auprés du Saint-Siége. On ne lésinait pas sur les moyens lors des voyages officiels politiques...tout comme maintenant..mais il faut dire que la mission du nouveau diplomate n'était pas des moindres: il devrait organiser l'installation de tribunaux de l'Inquisition au Portugal.

En août cette flotte fait une escale de quelques jours á Malaga en Andalousie. Au moment oú elle se prépare á appareiller pour poursuivre sa route vers Ostie, arrive inopinément un vaisseau battant pavillon de France, qui accoste tout prés de la caravelle amiral. Son nom: La Pélerine, son port d'attache: Marseille oú il se rend d'ailleurs, commandant: Jean Duperet, commerçant á Lyon, armateur-propriétaire: Bertrand d'Ornesan, Baron de Saint-Blancard, "Amiral des Mers du Levant"
et "Général des galéres du Roi" (François 1er). En revanche aucune indication, pas un mot sur le port d'origine de la traversée. Il n'en faut pas plus pour que les portugais soupçonnent le vaisseau de faire partie de ces navires pirates français qui depuis 20 ans, écument le littoral du Brésil du bois Brésil en non-respect flagrant du Traité de Tordesillas qui partage depuis 1494 le Nouveau Monde entre les couronnes espagnole et portugaise: pour les portugais, les navires français n'ont rien á faire sur le littoral du Brésil et encore moins peuvent s'en approprier les richesses ! Mais jusque lá confiants dans la décision de Tordesillas, ils maintenaient une présence militaire insignifiante sur les 7'000 km du littoral de la nouvelle colonie.

Imaginant un stratagéme pour inspecter la cargaison de La Pélerine, le soupçonneux commandant de la flotte portugaise propose de l'escorter jusqu'á Marseille lui offrant ainsi protection contre d'éventuelles attaques de pirates barbaresques en Méditerrannée. Mais le 15 août, en pleine mer, sous prétexte de réunir tous les capitaines de navires pour  la célébration d'une messe sur le vaisseau amiral, il fait fouiller La Pélerine oú l'on découvre "15'000 tranches de bois Brésil, 3'000 peaux de panthéres, 600 cadavres de perroquets, des monceaux de coton, du poivre, des huiles essentielles, des échantillons de roches contenant de l'or...etc". Les portugais s'aperçoivent alors que La Pélerine revient en fait d'une expédition de 6 mois en Pernambuc, a quitté Marseille en décembre 1531, attaqué Igarassu au nord de Olinda en mars 1532, a pillé la région pendant 4 mois et les cales pleines, est repartie vers Marseille en juin, non sans avoir fortifié la base d"Igaraçu et y avoir laissé des canons et 70 hommes sous le commandement d'un certain Monsieur de La Motte.

Le hasard d'un accostage simultané á Malaga venait de faire découvrir á la couronne portugaise, qu'aprés des années de contrebande et de commerce clandestin du bois "Pau Brasil" le long des côtes brésiliennes, la France s'était  décidée á une colonistaion "par la force" en Pernambuc et la 1ére étape était justement l'implantation d'un comptoir commercial fortifié á Igaraçu sous la responsabilité du Baron de Saint Blancard, "Citoyen de Marseille", "Amiral des Mers du Levant" et "Général des Galéres du Roi"...et donc avec le consentement du propre roi François 1er.

L'arraisonnement de La Pélerine et la découverte de son attaque au fortin d'Iguaraçu avec le massacre de la garnison portugaise, a été la goutte d'eau: le roi João III
du Portugal et tous ses ministres étaient désormais convaincus que tous les traités signés ne protégeraient pas la nouvelle colonie:  il fallait commencer au plus vite l'intégration du Brésil á la couronne de maniére ordonnée et systématique...par l'instauration du fameux modéle des "Capitanias Hereditarias" sur tout le littoral depuis le Maranhão jusqu'au Rio Grande.
[Biblio: R. J. Knecht, Renaissance Warrior and Patron: The Reign of Francis I , E. Bueno, Capitões do Brasil]